samedi 29 juin 2013

Mourir Musulman au Burkina Faso

Je viens de vous livrer ma petite nouvelle écrite pour mon amie Salimata.  Je n'y ai pas parlé de son enterrement, qui reste une des choses les plus difficiles que j'ai eu à vivre de ma vie.  Je ne sais pas jusqu'où je peux vous décrire ce moment, il reste profondément traumatisant pour moi et les miens.  Mais je peux vous parler du processus général, qui est tellement différent de chez nous.

Laissez-moi d'abord affirmer une de mes vérités, qui n'en est pas une absolue mais bien une très personnelle: je pense qu'on s'attache moins dans un pays où la mort arpente la vie de tous cotés.  Un enfant sur six meure au Burkina avant d'atteindre 5 ans.  On les enterrera discrètement, sans grande cérémonie, dans le silence et la résiliation.  La mère sera triste, certes, mais elle remontera plus vite ce deuil que nous le ferions.  Et elle ne s'empêchera pas de vite retomber enceinte. Life must goes on.

Étant plus communautaire qu'individualiste, je crois aussi qu'on aime moins au Burkina, en tout cas, selon ma conception de l'amour, mais qu'on a infiniment plus de gratitude.  Le ventre avant le cœur.  La mort fait partie des choses prévues au Burkina.  Acceptées.  Aucune révolte.  Le mot qui est de mise ici est résignation.  Totale.  Mais plus la personne avait un rôle d'aidant dans la communauté, d'influence, d'importance, plus la tristesse et la cérémonie sera grande.  Ce sera un deuil de communauté, qui n'aura rien à voir avec la quantité d'amour que cette personne aura reçu de sa famille.  En d'autres mots, il faut être important socialement pour ne pas mourir en silence et être aussitôt oublié.  Car on oublie vite.  Très vite.  Tellement trop vite.

Alimata, mère de Salimata, juste après l'enterrement
Pendant que mon amie Sali luttait pour ses derniers souffles, inconsciente, respiration de Cheyne-Stoke, sa mère lavait ses habits.  Est-ce que Alimata aimait moins sa fille que moi, qui avais la tête de Sali posée sur mes cuisses et qui flattais ses nattes pour en imprimer la sensation sous mes doigts une dernière fois?  Bien sur que non.  Alimata était en plein rituel, un de ceux qui aident peut-être à faire son deuil.  Pour Alimata, Sali avait déjà quitté ce corps, et elle, en tant que mère, devait préparer la suite.  Que pensait-elle de cette blanche, dont les larmes mouillaient les joues sans pouvoir s'arrêter et qui parlait à cette enveloppe vide, abandonnée déjà pour un monde meilleur?  Que pensait-elle de moi lorsque les sphincters de mon amie ont lâché après la dernière respiration, et que mes valves ont sauté aussi en même temps, laissant place à des sanglots incoercibles?  Elle s'est approchée de moi, m'a pris la main, m'a regardé de ses yeux secs où brillaient la force et le courage, et m'a dit, de son très mauvais français: "Dieu donne, Dieu prends.  Toi pas pleurer.  Dieu prend."  Elle est restée longtemps à me regarder, puis est retournée laver les habits de Sali, qu'elle devait distribuer au complet à la famille dès son retour au village.



Notre voisine, venue porter ses condoléances


Chez les Musulmans, le corps doit être enterré au plus vite.  Pas de cérémonie, que de l'empressement.  D'abord, la famille prend le corps et le lave.  On lui fait ensuite revêtir des vêtements en toiles blanches et on le place dans une espèce de bâche de fortune, Puis on part au cimetière, à la va vite si on n'a pas trop d'argent, avec un corbillard et les gens qui suivent si on en a un peu plus.  Au cimetière, ce ne sont que les hommes qui s'y rendent, car on croit que ce qu'il y a à voir n'est pas pour les femmes. Trop dur. Ils n'ont pas tort.  Tous les hommes jeunes et disponibles, même ceux qui ne connaissent pas le défunt (comme les voisins de tombes qui viennent d'enterrer le leur) s'élancent vers la parcelle et se dépêchent de creuser un trou (Si la famille ne l'a pas déjà fait avant).  On place le corps au fond du trou.  (Les pieds de mon amie sont sortis du sac à ce moment, j'aurai cette image gravée dans ma tête à vie)  On place quelques briques autour.  Puis on se dépêche de recouvrir de terre.  Et on repart aussi vite.

Pas de cérémonie.  Pas de parole au nom de l'être aimé et perdu.  Rien.

Les femmes, pour marquer le deuil, doivent couvrir leurs cheveux.  Tout le monde se rend chez le défunt où on sert à boire.  Et c'est fini.  Et quand je dis fini, c'est fini.  On ne reparle plus de la personne disparue.  On ne la mentionne plus.  Elle devient tabou.  La vie doit reprendre son court.
Life must goes on.



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Bonne lecture!


vendredi 28 juin 2013

Je suis accompagnée, fin

Je perds Salimata chaque jour. Chaque jour qui passe, chaque évènement nouveau, chaque geste de vie que je pose, m’éloigne de sa mémoire. De la mémoire de ce qu’elle était vivante. De sa vivacité. Des fois, j’ai de la difficulté à réentendre sa voix. Comment elle prononçait les mots. Le son de son rire. L’intonation de ses phrases. Quand je cherche des fragments de vies, des souvenirs, à quoi me raccrocher, le deuil m’envahit. Totalement. Ce n’est pas le jour où Sali a expiré son dernier souffle que je l’ai perdu. C’est maintenant. Aujourd’hui que je cherche des traces. Elle trépasse à l’intérieur de moi, sans bruit. Sans fracas.

« Mama. Il faut demander à Mama » Je ne l’oublierai jamais. Cette façon qu’elle avait de prononcer le nom de sa mère, avec la même voix qu’elle devait avoir à 5 ans. « Maamâ. » Alimata, mère de Salimata. Femme de silence, de loi et de soumission. Une femme effacée, qui ne connaît rien aux blancs. Qui me regardait avec un sourire intrigué. Deux mondes qui se côtoyaient dans la même chambre. Dans le même être. La mère de Salimata. L’amie, la soignante et la patronne de Sali. Elles se parlaient en mooré. Je savais peu de leur relation. Elles s’accompagnaient en silence. Mais cette façon de dire « Maama… » avait un poids. Un respect. De l’amour. Elle disait tout ce qui avait à savoir. C’était sa Mama. Un point c’est tout.

Il y a d’autres phrases qui sont aussi indélébiles. Celles du quotidien. Celles qui soulignaient tellement le caractère de Sali. Si je devais résumer Sali en une seule phrase, je ferais jouer en boucle cette question milles fois répétée, mille fois répondue : « Sali, ça va? » « Ca va… » Avec une intonation plus aigue sur le premier mot, une patience, une résiliation, un sourire dans le dernier. C’était toujours une réponse sincère. Toujours accompagnée d’un sourire. Bien en face. Sali ne baissait jamais les yeux.

« C’est la tête seulement… »

Ca va Sali? Tu as mal quelque part? »

« C’est la tête seulement »

« Comment tu te sens Salimata ce matin? Tu prends du mieux un peu? »

« Ca va. C’est la tête seulement… »

Deux masses, une grosse comme un citron. L’autre comme une olive. Les deux bien plantées dans son cerveau. Probablement une toxoplasmose selon les médecins radiologistes du Burkina. Peut-être aussi bien une cryptococcose, une tuberculose méningée ou un lymphome selon des collègues infectiologues canadiens. Pas d’examens diagnostics pour pousser plus loin. Rien pour soulager la douleur, si ce n’est des empracet, méticuleusement contrôlés pour ne pas bousiller son foie.

« Sali, je ne sais plus quoi faire. Tu as mal. Je vois que tu as mal. Je suis désolée »

« Ca va Eve. C’est la tête seulement »

Quand les analgésiques ne faisaient plus effet, que la douleur était trop forte, elle perdait conscience. Elle ne pesait plus qu’une quarantaine de kilos. Simon et moi la ramenions à son lit et j’attendais qu’elle revienne à nous, Elle semblait perdue à son retour. Il lui en manquait des bouts.

« C’est la tête. C’est la tête seulement. » Je lui passais le haricot de fortune, elle vomissait 2 ou 3 fois et finissait par s’endormir.

Mes mains sentent encore le contact de ses tresses sous mes doigts. Je ne savais pas quoi faire d’autre. Assise par terre, à coté du lit de fortune à même le sol qui empêchait Sali de tomber de trop haut, j’administrais scrupuleusement les anti-douleurs, et je caressais sa tête nattée. Dans un autre pays, chez moi par exemple, il y aurait eu tant à faire. Ici, chez elle, nous étions impuissantes. J’étais impuissante. À peine utile. Je caressais ses nattes. Je rêvais d’un avion qu’elle eu pu prendre. Un gouffre s’ouvrait en moi. Je me retenais à son souffle; à ses nattes.



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Bonne lecture!

vendredi 21 juin 2013

Cours de dioula 3: Se débrouiller...

Vous partez en vacances en pays Mandingue.  Vous avez appris les salutations?  C'est bien.  Maintenant, il va falloir apprendre à vous débrouiller avec les petits aléas de la vie.  Voici quelques petites phrases qui peuvent s'avérer magiques utilisées à bon escient.

Foule ou fatigant

Adabla!   :   Lâche-moi.    S'utilise tellement bien dans une foule quand tous les vendeurs s'agglutinent sur vous comme un troupeau de mouches tsétsé sur une vache malade.  Et vous qui  ne cherchez que les toilettes!  Que cela ne tienne, "Adabla" ouvrira la voie par magie.  Ce n'est pas vraiment impoli, juste ferme.  Ca veut un peu dire: laissez-moi.

Ca n'a pas fonctionné?  Il y en a un qui ne veut rien comprendre.  Il veut vous marier peut-être?  Ou vous suit sur la route.  Le temps est venu d'être impoli.  Allez-y d'un "N'toy!" énergique, il décollera.  S'il ne le fait pas malgré votre impolitesse (vous venez quand même de lui dire de vous crisser patience en bon québécois), ne reste plus que la gifle.  Mais je vous jure que je ne suis jamais passé par Adabla, puis par N'toy sans qu'on ne me laisse mon espace!

Taxi

On va où?       An bé ta mi?
C'est la question que le chauffeur de taxi vous posera.  Ou alors "yoro djouma?"  Ce qui signifie "on va dans quel coin?"  Il ne reste plus qu'a dire le nom de votre destination.

An ga ta:  Allons-y.
Na an ka taga: Viens, on va y aller.

Le temps

Lundi: tanni
mardi: talaata
mercredi: arba
jeudi: lamousa
vendredi: arzouma
samedi: sibiri
dimanche: hato


Matin: sogoma
midi: tlé
soir: oulafé
nuit: sou
aurore: sogoma diona

Présentation

I togo bedi  : tu t'appelle comment?

Né togo ye Eve  (ou Né togo ko Eve): Je m'appelle Eve

Né bora fo Canada: Je viens du Canada

Né yé volontaire yé, ou Né yé dogotoro yé: je suis volontaire, ou je suis docteur/infirmière
*il n'y a pas de terme pour les infirmiers en dioula.  toute personne qui œuvre dans la santé sera un dogotoro, soit un "docteur".

Marché yoro be mi?  Ou se trouve le marché?

Fatoumata be wa?  Fatoumata est la?

I be ne bla sira wa?  Tu peux m'accompagner?

Les besoins alimentaires et les vouloirs

Né bé dji fè:  Je veux de l'eau
*Il n'y a pas de politesse avec les svp en dioula.  Demander crument comme ca est tout a fait correct. Vous pourriez aussi demander:
Dji be wa?  Il y a de l'eau?  La première option est plus correcte en visite, la deuxième s'Applique plus si vous entrez dans une boutique.

Ne be malo fe: je veux du riz.

Ne be geiba fè: je veux des oignons.

Ne be toulou fè: je veux de l'huile.

Ne be doum fè: je veux manger.

A songo yé djoli: ca fait combien?  Ou vous pourriez simplement demander djoli?  en pointant l'objet si vous vous sentez incapable de retenir la phrase au complet.

Do bo ara: il faut diminuer (le prix)

A ka guèlè: c'est cher!

A be ye djoli: le tout fait combien

Né wari ma kia: je n'ai pas assez d'Argent.

I Kana yéléna!  : ne rit pas de moi!  Se dit très bien quand on vous sort un prix exorbitant.

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Bonne lecture!

Tata, Tiken Jah Fakoly

Je vous ai dit que j'ai appris le dioula en écoutant les paroles de Tiken Jah Fakoly, en posant des questions, en demandant des traductions.  J'y ai appris beaucoup plus en même temps: l'histoire de l'Afrique de l'Ouest, ce qui préoccupe les Burkinabè politiquement (ainsi que les Ivoiriens), des valeurs aussi.

Tiken Jah n'a écrit qu'une seule chanson d'amour, mais une très très belle et qui me semble d'autant plus vraie de par son caractère unique.  Tata.  C'est de cette façon qu'on appelle notre tante.  C'était aussi le prénom de cette femme, qui a tout fait pour son homme dans cette chanson, avec peu de retour de ce que j'en comprends.  Et qui est morte aujourd'hui.

Je vous mets les paroles en Dioula grossièrement pour vous aider à vous situer, et une vidéo avec les paroles dioula en sous-titre sur la chanson, pour que vous puissiez la chanter vous aussi, puis en français, question de savoir ce que vous fredonner.








Parole de Tata:
Oh oh, Tata, pardonne-moi,     (Tata fonika yafama)
Il faut, me pardonner.              (fonika yafama)
Tata, il faut que tu me pardonnes,
Où oh où oh, oh oh,
Pardonne-moi.                       (tata, yafama)

Pour moi, (o ka tata bougo, kamassoro ne fe)
on a battu Tata,
À cause de moi, (o ka neni)
On l`a injuriée, persécutée.  (o ka tata djebe, ka wa kounkè ne ye)
À cause de moi, on l`a insultée, (o ka neni, kamassoro ne fe)
Tata, il faut que tu me pardonnes.
Où oh où oh, oh oh,
Tata aaa,
Pardonne-moi.

Tata, à cause de moi,
T`as été battue,
Les médisants,
S`en donnaient à coeur joie.
À cause de moi,
Tata fut calomniée.
À cause de son amour, pour moi.
On l`injuria aaa.

Tata, pardonne-moi,
Où oh où oh, oh oh,
Pardonne-moi.
Tu dois me pardonner.
Où oh où oh, oh oh,
Tata aaa,
Pardonne-moi.

(Lecture) Notre fille Awa, et moi, (ne ni awa bébé la gnôgôkan)
Tous les deux, nous te demandons pardons, (kideri i ye yafama)
C`est au jour de ta mort que j`ai réalisé,
que pour moi, tu comptais.
Pour l`amour de Dieu, tu puisses nous pardonner.
C`est la volonté de tout-Puissant, rien ne peut le contrer.
Qu`il est pitié de nous, que ton corps repose en paix.

Musique...
C`est comme épouse,
que ces hommes puissants te voulaient, (sanamo lou nana
Tas répondu, que j`étais, (kouye tata le fouroula, tata ko
Ton seul amour. (           Kale be ne le fe)

Comme ceux de l`Amérique, (ameriki kanou nana)
T`as répondu, (kouye tata le fouroula)
Où oh où oh, oh oh,
Que t`étais qu`à moi.  (kale be ne le fe)
Même les Français, l`ont désiré,  Francia kala loulou nana
Il n`y en avait ai ai, kouye tata le fouroula, tata ko kaye be ne le fè)
Que pour moi aaa.

Les Américains sont venus,
Pour épouser Tata,
Et c`est toujours moi,
qu`elle aimait ai ai ai.

Tata, de notre amour, t`as été fidèle.  (tata kangueletigui)
La mère d`Awa, m`a été fidèle.  (Awa bamoussou kangueletigui)
Où oh où oh, oh oh,
Oh Tata aaa ,
T`as été intègre.

Si j`avais été, tout aussi intègre,
Comme toi, tu l`as été,
Rien n`aurait réussi,
À nous séparer ééé.

Tata, tu dois, me pardonner,
Où oh où oh, oh oh,
Tata aaa,
Pardonne-moi aaaaa.
Oh oh... (Choristes)

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Bonne lecture!


jeudi 20 juin 2013

Je suis accompagnée, partie 5

Le luxe occidental ne m’atteint pas cette fois-ci.  Ce n’est pas mon premier retour.  Je n’oublie plus, même dans les campagnes creuses du Burkina, la décadence matérielle qui règne au nord.  Salimata adore ça et ne comprends absolument pas pourquoi je préfère la poussière de son pays.  Elle se fiche de moi.  Je sais qu’elle me connaît assez maintenant pour voir mon point de vue.  Mais ce n’est pas le sien.  Elle aime les habits griffés, les portables dernières générations, en mettre plein la vue.  Elle aime encore plus son homme, sa seule raison de rester au Burkina.  Parce que Sali, c’est une Ivoirienne dans l’âme.  Elle y a passé toute son enfance.

À l’âge de 16 ans, Salimata a été offerte en mariage par ses parents.  À un ami de son père, une relation antérieure quelconque.  On avait promis l’enfant, maintenant devenue jeune fille.

 « Il était vieux Eve!  Vieux!  Plus vieux que mon père même! »

-« Et tu as refusé ce mariage?  Comment tu as fait pour que tes parents acceptent? »

-« Hé! Walaï!  J’étais bien prise hein!  Ils n’auraient jamais accepté que je refuse! Hè…   Noon!   Je me suis sauvée… »

-« Toi Salimata, toi, à 16 ans, tu t’es sauvée? »

-« Mais qu’est-ce que tu voulais que je fasses hè?  Je n’ai pas eu le choix!  Si tu l’avais vu.  Il était vieux!  Mais  vieux! »

-« Hé Sali!  Toi t’as peur de rien hein!  Tu es partie comme ça, toute seule, à 16 ans!  Tes parents ne t’ont pas cherché?  Ils ne t’ont pas retrouvée? »

-« Noooon!  Je me suis bien cachée.  J’ai trouvé des blancs à Abidjan.  Ils avaient un fils.  Mais ce fils, personne ne pouvait le garder.  Il terrorisait ses autres nounous.  Il était un peu pas normal, quoi.  Mais moi, il m’aimait bien.  On s’entendait.  En fait, il n’y a personne d’autre que moi qui pouvait s’en occuper.  Je suis restée là-bas 4 ans. »

-« Et tes parents Sali?  Ils devaient être morts d’inquiétude! »

-« Hum… Oui.  Surement…  Mais je n’avais pas le choix.  D’ailleurs, c’est le couple blanc qui a été parlé à ma mère.   J’ai revu ma mère au bout de 4 ans. »

-« Elle était fâchée?  Elle comprenait? »

-« Mama, c’est mama.  Elle a tout compris.  Elle a pardonné. »

-« Et après? »

-« Après rien, je ne me suis jamais mariée.   Mais tu sais, le monsieur, celui que je devais marier?  Il n’était pas content.  Pas content du tout!  C’est très dangereux de se sauver de son mariage comme ça.  Très dangereux! »

-« Comment ça?  Il a réclamé?  Il s’est fâché? »

-« Il s’est vengé! »

-« Comment??? »

-« Tu sais que je n’ai pas pu avoir d’enfant avec Adama?  Pendant 10 ans, pas une seule grossesse! »

-« Et c’est la faute du mari jaloux???  Allons Sali! »

-« Eve, l’année dernière, quand MSF m’a opéré, le médecin, et c’était un médecin blanc hein!, le médecin m’A dit qu’il n’avait jamais vu quelque chose d’aussi gros!  C’était gros comme un ballon de foot! »

-« Ton fibrome? »

-« Oui, c’est ça qu’il a dit.  Et ça, si ce n’est pas le monsieur qui m’a lancé un sort, qu’est-ce que ca peut bien être?  Ah! Tu ne me crois pas hè?  Tu peux rire tant que tu veux, c’est vrai !  En Afrique, ce n’est pas comme en Europe, c’est différent.  Ce genre de chose arrive!  Il faut faire attention.  Très attention! »

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Bonne lecture!








mercredi 19 juin 2013

Les odeurs de l'Afrique

En écrivant ce blog, je me replonge au cœur de ce qui me passionne.  J'ai revisité le plus beau livre jamais écrit sur ce continent: Ébène, de Ryszard Kapuscinski, qui dit d'ailleurs de l'Afrique que: " Ce continent est trop vaste pour être décrit.  C'est un véritable océan, une planète à part, un cosmos hétérogène et immensément riche.  Nous disons "Afrique", mais c'est une simplification sommaire et commode.  En réalité, à part la notion géographique, l'Afrique n'existe pas." RK











En relisant Ébène, je suis tombé sur un extrait qui m'a frappé.  c'est que j'ai moi-même écrit ce texte, en d'autres mots, mais dans le même sens fondamentale, bien avant de lire Ébène.  Cet extrait parle de l'odeur de l'Afrique.  je vous mets nos 2 textes côtes à côtes, c'est frappant comment j'ai vécu les choses dans le même sens que ce grand!











RK: " Sur la passerelle de l'avion nous sommes accueillis par un parfum nouveau: celui des tropiques. (...) C'est l'odeur d'un corps chauffé, du poisson qui sèche, de la viande qui se décompose et du manioc frit, des fleurs fraiches et des algues fermentées, bref de tout ce qui plait et irrite en même temps, attire et repousse, allèche et dégoute."






Moi: "Il fait noir. On ne voit
rien excepté le goudron, l’avion et ce tout petit aéroport dont les lumières brillent faiblement à une centaine de mètres. L’Afrique émane. Dans cette chaleur, cette moiteur, un parfum assaille et émeut. On n’a rien vu que cet effluve nous parle déjà. De poussière, de sueur et de sel. De détritus, de poisson grillé, de diésel. De viande rôtie, de putréfaction, de renfermé. Un mélange de lait maternel, de lochies et l’odeur âcre et piquante de la terre brulée par un soleil sans merci. Ce pays qui se fraie un passage à nos narines, c’est la vie, la mort, et tout ce qui s’en dégage entre les deux. "










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Bonne lecture!

mardi 18 juin 2013

Je suis accompagnée, partie 4

Je suis à l’aéroport de Ouagadougou.  J’attends mon départ pour la France.  Au moment d’Acheter mes billets, j’avais besoin d’une pause.  D’une bouffée d’air.  Les derniers mois ont été durs.

Je suis assise là, et je n’ai plus envie de partir.  Ce n’est pourtant que pour deux semaines.  Camping en Espagne avec une amie et ses copines qui m’attendent en France.  J’y vais pour mon amie.  Pour sa présence. Pour ses oreilles.  Je ne sais pas si je vais être capable de mettre des mots sur ce que nous avons vécu.  Les mots, à haute voix, peuvent vous trahir.  Vous déposséder.  L’expérience de l’Afrique n’a de sens qu’entouré de ses habitants.  Ils en sont le sens.

Mais voilà, je suis là, anonyme parmi tous ces blancs, les deux pieds encore en terre africaine mais déjà dans une réalité toute occidentale.  Salimata n’aurait jamais pu prendre cet avion.  D’ailleurs, si elle l’avait pu, je n’aurais pas besoin de le prendre aujourd’hui.  Elle serait encore en vie.   La plus grande injustice se voit dans les capacités que nous avons à faire face à la maladie.  Et à la mort aussi.  Quand viendra mon heure, j’aurai des analgésiques.  De la compassion.  Des droits d’entrée.  Sali avait comme unique arme son si généreux sourire.  C’était son salut.  Son unique carte de crédit.



Je m’étais promise de ne pas me la jouer  « J’arrive d’un pays très différent et je suis en choc ».  C’est fatiguant et même pas amusant.  De toute façon, le choc n’est jamais là où on l’attend.  Par contre, je suis incapable de retrouver le beat.  L’attitude.  Je souris trop.  J’ai un sourire africain très louche.  Et alléchant.  Pour tous ces hommes maghrébins du quartier populaire de Marseille.  Ils ont perdu l’habitude de leur continent eux aussi.

Je souris parce que Salimata s’est jointe au voyage sans me prévenir.  C’est peut-être dû à son foulard, que je porte aux cheveux.   Ou la fatigue qui me fait délirer un peu.  Peu importe, elle est bien là, discrète et terriblement intriguée.  Elle pose peu de question.  Mais ces yeux!   Grands ouverts.  Surpris.  Scrutatifs.  Elle s’arrête devant les vitrines.  Regarde ces jeunes couples s’embrasser fougueusement, sans honte, dans les endroits publics.  Les chiens aussi.  Leur diversité.  Certain avec des poils dans les yeux.  D’autres en forme de saucisse.  Le top, c’est les mini-jupes.  Il y en a partout.  Chaque fois, elle se cache la bouche avec les mains et me donne un coup de coude.

-« Regarde Eve!  Regarde! »
-« Hum hum… »
-« Mais ça!  Est-ce que c’est normal? »

Et là, on rit comme des gamines.  C’est comme ça avec Sali.  On n’a pas besoin de grands évènements ou d’excuses.  On crée nos joies.  On s’invente mille et une raisons de rire.  On se fait drôlement marrer.  Les passants eux, encore plus ces messieurs arabes assis seuls aux différents cafés croisés sur notre chemin, n’ont rien pigé.  Ils n’ont pas compris que je suis accompagnée.  Je pense qu’ils s’imaginent même que mes sourires leurs sont adressés.  Alors ça devient encore plus drôle et Salimata se fiche de ma gueule pendant que j’essaie de me dépêtrer de tous ces collants qui veulent m’inviter à toutes sortes de propositions les plus loufoques les unes que les autres.

Salimata, le lendemain de son diagnostic.  Elle n'avait rien vu venir.  Elle a pleuré toute la nuit.  J'ai passé des heures en cuillère avec elle.  Et ce lendemain matin, on s'est levées, prêtes à se battre.  Pour la vie.  Nous avons commencé par aller nous promener en campagne avec Simon, les enfants et Moussa, sans oublier le coopérant Gabriel, qui a été formidable avec Salimata lui aussi.  Cette journée restera gravée dans ma mémoire à jamais.

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Bonne lecture!

Moussa Boukoum, chauffeur désigné

Quelques semaines avant mon retour au Burkina pour y passer des vacances auprès de mon fils Abrahim et de ma copine Aïssa, je continue à vous présenter les gens importants de mon entourage.  J'espère par la même occasion vous gaver de photos colorées, vous initier à la vie burkinabè.

Voici donc Moussa, mon très très grand pot et le meilleur ami d'Abou, mon mari qui habite maintenant avec nous ici au Canada.  Moussa est chauffeur de taxi, il nous a donc accompagné partout dans nos périples.  Il a aussi été mon témoin lors de notre mariage le 23 juin 2011.

Le jour du mariage:


Lorsque le bouchon de champagne saute!




ET en d'autres occasions:




Avec mes anciens voisins, ceux qui offraient le tô mon amie Salimata, et qui ont été avec nous jusqu'au bout avec elle.  Une famille extraordinaire que je ne pourrai jamais oublier.

En brousse, en visite a la famille d'Abou

Avec la voisine d'Abou

Lors de nos soirées mémorables a Bobo.

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Bonne lecture!

lundi 17 juin 2013

Je suis accompagnée, partie 3

Je venais tout juste d’Arriver à Bobo-Dioulasso, après 3 ans passés loin du pays.  3 ans à rechercher ce pays, ses sourires, son entraide, ses langueurs.  J’avais du le quitter précipitamment, avec 2 jours de préavis, parce que la vie de ma fille Emmanuelle, que je portais alors au quatrième mois de grossesse, était en jeu.  Mon chum et mes deux enfants m’avaient rejoint au Québec 2 mois plus tard.
Notre retour au Burkina Faso était une grande joie.  Un projet de vie.   Nous venions pour travailler dans une organisation soignant les gens atteints du VIH.  On est infirmier tous les deux.  C’est une des choses qui nous définit.  Mon copain et moi sommes Canadiens, parents et infirmiers.  Pour le reste, on fait avec.  On jongle.  On est pas mal malléable.

Le retour a été plus corsé que prévu.  À peine 6 jours après notre descente de l’avion, mon chum a eu un accident de foot, il voulait jouer pieds  nus comme les enfants avec qui il partageait le ballon.  Question de fair-play.  Un coup de pied mal placé lui a déchiré le tendon d’achille, et il est parti en Afrique du Sud se faire opérer le matin même où j’embarquais dans l’autocar nous menant, les enfants, Abrahim et moi, vers Bobo, une ville que je ne connaissais pas, où je n’avais pas d’ami, pas de repère, pas d’histoire.  Avant l’Accident, j’étais vraiment très heureuse que notre travail nous amène dans cette ville dite plus facile de ce pays chaud, poussiéreux et aride.  On m’avait décrit Bobo plus paisible et plus verte que Ouagadougou et Yako, où nous avions vécu 3 ans plus tôt.  Sans l’appui de mon chum, avec 4 enfants à charge, ça devenait un peu plus anxiogène.  Mais j’étais toujours contente, j’étais soulagée aussi que le père de mes enfants ne soit pas charcuté au Burkina et que les assurances payent son évacuation vers un pays plus acceptable sanitairement parlant.  Ce n’est malheureusement pas du snobisme, l’histoire m’a convaincue du bien fondé de mes premières impressions sur le système de santé du pays.

Je suis donc arrivée à Bobo extenuée de chaleur et de poussière, avec ma marmaille et mes 14 valises.  Mes patrons m’ont débarquée dans mon nouveau chez nous, une immense villa en périphérie de Bobo.  Pas d’Arbres.  Pas de voisin.  Sale.  Pas de matériel pour nettoyer.  Quand Manu s’est mise à crier parce qu’elle avait faim, que son père lui manquait, j’ai eu envie de pleurer.  J’ai fait la gueule plutôt, je lui ai donné une collation et j’ai essayé de faire du ménage avec le peu que j’avais apporté.  Notre grand 8 pièces tout en prétention et en chinoiseries regorgeait de poussière, d’odeurs nauséabondes, de tâches et de coquerelles.  Nous n’avions pas d’eau.  La toilette ne fonctionnait pas, le frigo était vide et je ne savais pas où se trouvait le marché local.

C’est là que Sali est arrivée.


Je connaissais son copain qui avait été notre cuisinier 3 ans plus tôt et qui me l’avait référée et envoyée pour nous aider au ménage, repas et garder les enfants pendant nos heures de travail.  Je n’étais pas chaude à l’idée de l’avoir chez nous : je l’avais déjà vue une fois et elle m’avait déplue.  Je m’étais sentie très toubabou à ses yeux, très riche et différente.  Pas de communion possible, ni d’amitié.  J’ai essayé de trouver une autre fille pour faire le travail, mais celle que j’avais vue à l’œuvre pendant notre première semaine à Ouagadougou, en attendant notre transfert, s’était révélée immature et inadéquate.  Je n’avais donc pas eu le choix de rappeler notre ami et de lui demander que sa copine vienne.  Surtout seule avec les enfants comme je me retrouvais, je n’avais pas le choix d’essayer.  Mais quand elle est arrivée, j’ai regretté  ma décision.  Je ne l’ai pas aimée.

Elle est apparue dans ma cour habillée à l’américaine, avec une camisole sexy, un jeans taille basse, les cheveux tressés avec des rallonges rousses.  Il lui manquait une dent, une palette du haut, et elle avait l’air de se foutre de tout.  À toutes mes questions, elle répondait laconiquement, avec un air un brin vulgaire : « Ça va… ».  Découragée, j’ai continué à faire du ménage et je lui ai donné des sous pour qu’elle aille acheter de quoi faire tenir les enfants jusqu’au souper.  Pendant qu’elle bourrait mes cocos bios de chips, biscuits et friture, je menais une lutte serrée contre les coquerelles de la garde-robe de ma chambre.  En défaisant les valises ensemble, je lui ai dit qu’elle pouvait prendre la chambre du 2e étage pour la semaine, le temps de se trouver un appartement à Bobo.   Je n’étais pas contente.

C’est après le souper pris au centre-ville avec d’autres coopérants aussi perdus que moi, quand je l’ai vue endormie sur sa chaise, au bout de la table, Manu dormant dans ses bras, que je me suis admise que Salimata n’était peut-être après tout que très fatiguée des 8 heures de bus qu’elle avait du faire pour venir me rejoindre, elle qui venait de Yako pour m’Aider à m’installer le jour même de mon arrivée.  Je me suis sermonnée sur mes jugements habituels à l’emporte-pièce et me suis soulignée que, toute la journée, elle avait travaillé sans relache, avec gentillesse, et avait occupé les enfants  pour me laisser frotter tranquille seule avec mon anxiété.  Je me suis promise de commencer le jour suivant à neuf, sans préjugés.  N’ayant pas encore assez de lits pour tous, Salimata a dormi avec Maïka pendant que Manu prenait la place de son père dans notre nouveau lit, pour notre première nuit à Yéguéré, notre nouveau quartier.

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Bonne lecture!

jeudi 13 juin 2013

Cours de Dioula 2

J'ai essayé de vous trouver un vidéo présentant les salutations en Dioula et n'en ai pas trouvé.  Par contre, pour ceux qui ont un niveau plus avancé en Bambara (même chose) ou qui ont envie de se faire l'oreille, je vous propose le film Molaadé, qui est socialement extraordinaire, et qui a beaucoup servi à faire la prévention contre l'excision.  Tourné au Mali, il y présente aussi des acteurs Burkinabè.  Le réalisateur Ousmane Sembene est Sénégalais.  On y comprend beaucoup même si on ne parle pas la langue.  Et puis c'est prononcé clairement, les salutations reviennent souvent, je me pratique quelques fois avec ce film, qui est de toute façon, toujours agréable à regarder.



Les salutations du matin:

I ni sogoma              (Et cette matinée?)
èrè sira?                   (Bien dormi?)
èrè                            (bien)
So mogo do?            (Et les gens de ta maison?  So = maison, mogo = les gens)
O ka kéné                 (Ils vont bien)

Ces 5 premières réparties sont obligatoires, vous serez vraiment un mal autru si vous ne vous rendez pas au so mogo.  Le phrases suivantes sont facultatives, selon le temps que vous avez, le degré de connaissance avec la personne, mais sachez que le plus vous demander, le plus vous serez apprécier.  Pas besoin de connaître la maman de votre collègue, ou que vous en aillez entendu parler (maladie, voyage, etc.) pour vous informer de son état.  On vous respectera beaucoup plus si vous prenez le temps de demander d'après les parents, les enfants, l'épouse ou le mari.




I mousso do?             (et ta femme)
I Tchiè do?                (et ton mari)
I ba mouso do?         (et ta mère?      
Bamousso= mère, mousso= femme, Ba étant un adjectif qui signifie gros placé après le mot, et grand placé avant le mot.
I Fatchiè do?              ( et ton père)
i Déni do?                 (et ton enfant,)
i Démisinw do               (et tes enfants)
à quoi on répondra;
O ka kéné                    (ils vont bien)
A ka kéné                  (elle/il va bien)
On peut aussi s'encquièrir de situation plutôt que des gens (mais après, c'est mieux)
Barada do?                   ( et ton travail?)
A ka bara do?                   (et son travail?  en parlant du fils par exemple)
Doni, doni.                  (un peu un peu, ce qui veut dire que ça va pas si fort)
ou
A ka fissa                     (ca va aller!)
I kana Moné                 (faut pas te décourager)

A un grand pot, au lieu du a ni sogoma, etc, etc:
Ko kain (pronongez kagn)                            "Ça va?"
on repondra Ko kain ou A kain                    "ÇA va!"
Bien sur, on donne une poignée de main pas trop ferme en faisant les salutations, qui peuvent se faire très très vite, et ne vous surprenez pas si votre main reste dans celle de l'interlocuteur tant que ce n'est pas fini.  Si vous êtes pris au dépourvu et ne savez pas quoi répondre, vous pourrez dire "ami, ami, ami" ou un seul "Ami" à chaque question, ce qui signifie "Amen" ou "Dieu merci, tout va bien", sans distinction de genre et nombre.
Après, vous pourrez allez aux questions plus ponctuelles, comme:
A be ta mi?                (Vous allez ou?)  Mi = ou
An be ta kara so la     (on va à l'école, ou plutôt, à la maison de l'école)
An be ta dogotora so la (on va à l'hôpital)  dogotoro = docteur, so = maison
I togo ko?                 (quel est ton nom, ou"ton nom se dit comment")
N'togo ko Eve          (mon nom se dit Eve)
I san djoli                 (tu as quel age?)  Djoli = combien
Moulé bira bi?          (Qu'est-ce que tu as aujourd'hui?)
N'man kèné bi           (je suis malade aujourd'hui)  bi = aujourd'hui ou
N'fari ma di na bi       (mon corps n'est pas en santé aujourd'hui)  Fari = corps
Soumaya bira wa?          (tu fais la fièvre?)  wa=point d'interrogation
Kofè = à  plus
A sera = le temps est venu.  Signifie que vous voulez partir.  Vous devrez le dire 3 fois à plusieurs minutes d'intervalles si vous êtes en visite, pour être vraiment poli.  Avec des amis proches, vous pouvez le dire une fois ou 2 seulement.   Mais n'oubliez pas en rencontre officielle, vous devrez le dire 3 fois, donc vous y prendre d'avance, avant que "l'on vous donne la route" donc la permission de partir.
Le midi
Au lieu de dire A ni sogoma, vous direz "An tlé"
Tlé= le soleil, et la journée aussi
An bé oulafé = on se voit ce soir         oulafè= soir
Le soir
Anougou la?  Bonsoir
La nuit
A ni sou?  Sou= nuit
Allah ka so ère= Dieu bénisse cette nui, ou simplement "bonne nuit/
An bé sini = A demain                 Sini= demain

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Bonne lecture!

mardi 11 juin 2013

cours de Dioula 1

J'ai appris le  dioula avec ce qu'on appellerait la méthode dynamique, soit une façon d'apprendre qui me permette de me débrouiller le plus rapidement dans la vie courante, sans nécessairement comprendre tout ce que je dis (!) Ça signifie apprendre par coeur des phrases, sans en connaître la définition de chaque mot.  Apprendre l'accent sans savoir comment l'écrire nécessairement.  De toute façon le Dioula est une langue de tradition orale, et c'est pourquoi il est tellement difficile de trouver de la documentation.

Je vais tout de même essayer de vous donner juste quelques bases avant de ne vous lancer dans des phrases complètes.

Les pronoms

Né                                                 Je
I                                                    tu
a                                                    il                                                    On utilisera aussi le "A" lorsque
an                                                  nous                                               l'on parle à quelqu'un avec qui
a ou aou                                        vous                                               on veut marque la politesse.
o                                                    ils

Par exemple:
"I ni Sogoma" (et ta matinée?  ) sera la phrase que l'on dira à ses amis en les croisant le matin, à ses collègues, mais pas à une vieille dame ou à notre patron, à qui l'on dira plutôt "A ni sogoma" (et votre matinée)

Mais si on pousse plus loin, I ni sogoma ne veut pas dire "Et ta matinée" mais plutôt "Toi et ta matinée?" si on traduit textuellement.

En dioula, il n'y a pas de lui, eux, toi, moi, etc.  Les mêmes pronoms s'appliquent

I ou illé
a ou allé
an ou anou ou anougou
o ou  oulou

"Lui il a mangé " pourra se dire "a ka doumini kè" autant que "allé ka doumini kè".

Le temps des verbes

IL faut d'abord savoir que "na" signifie "viens", ou "venir" et que ce "na" sera utilisé à différents endroits dans les phrases pour en définir le temps.

Si on veut dire à quelqu'un de venir ici, on lui dira "na yan" (yan=ici)

Je viens = Mé na (mé et né sont synonymes, utilisés selon différents contextes que je n'ai pas réussi à démystifier encore.  Une collaboration serait bien appréciée ici)

Je suis venue= N'nana (N' est la contraction de Né devant un verbe)

Je vais venir= Mé nana


Si nous conjuguons le verbe parler (Kuma) au présent:
mé kuma
I bi Kuma
A bi Kuma
An bi kuma
a bi kuma
o bi kuma

au passé composé:
N'kumana
i kumana
a kumana
an kumana
a kumana
o kumana

Au futur:
N'bina kuma
i bina kuma
a bina kuma
an bina kuma
a bina kuma
o bina kuma

Je parle de ceci avec mon ami, et sa façon de parler diffère souvent beaucoup de mon livre.  C'est que d'une région à une autre, ça change.  Par exemple, au futur, Abou dira:

Mé na kuma
I bé na kuma
A bé na kuma
an bé na kuma
a bé na kuma
o bé na kuma
 
Comme j'Ai appris a parlé avec Abou, ce sera ce dernier choix que je prendrai, et qui est bien compris à Bobo-Dioulasso.

Si nous conjuguons le verbe danser par exemple, qui est "don kè" (le Kè signifie l'infinitif)

Je danse=Mé donkè la
I donkè la
a donkè la
an donkè la
a donkè la
o donkè la

je dansais=N'ka donkè
I ka donkà
a ka donkà
an ka donkè
a ka donkè
o ka donkà

Je danserai = Né bi na donkè  Ou comme disais abou: Mé na donkè
i bina donkè                                                                   I béna donkè
a bina donkè                                                                  a béna donkè
an bina donkè                                                                an béna donkè
a bina donkè                                                                  a béna donkè
o bina donkè                                                                  o béna donkè

Ne vas-tu pas venir danser= I bé nà don kè wa? (le "wa" à la fin du'une phrase fait office de point d'interrogation)

N'irons nous pas danser: an bé ta don kè wa? (si le "na" signifie "venir", le "ta" signifie "aller")
N'irons nous pas manger: an bè ta douminikè wa? (douminikè= manger)
N'irons nous pas nous amuser: an bè ta kolonkè wa? (kolonkè = s'Amuser)

N'irons nous pas nous doucher, ou alors n'irons nous pas nager, c'est le même verbe:
An bé ta ko wa? (ko étant se doucher, ou nager)



Tous les Burkinabè (mots invariable en français) vous diront que le dioula n'est pas compliqué, que c'est la langue la plus facile au monde!  À vous de juger.

PS; la dioula et le bambara étant tellement semblables, si vous voyez des textes ou des cours en bambara, sachez qu'ils pourront s'appliquer en dioula avec de tellement légères différences, et que le bambara et le Dioula se comprenne entre eux parfaitement.

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Bonne lecture!

Le et les Dioulas, introduction

Le dioula est une langue qui chevauche plusieurs frontières en Afrique de l'ouest.  Parlé par les Dioulas, peuple aussi disséminé sur plusieurs pays, elle est aussi utilisée par d'autres peuples, comme langue commune qui facilite le commerce entre autre.  Le Dioula est un peu l'anglais de l'Afrique de l'ouest.  Très semblable au Bambara, elle s'en rapproche plus à mes oreilles que l'Accent québécois de l'Accent marseillais, que l'on nomme tous les deux comme étant du Français.

Sur Wikipédia;

Les Dioulas


À l'époque de l'empire du Ghana, les groupes mandingues, dont font partie, entre autres, les Malinkés et les Soninkés, dominaient l'Afrique de l'Ouest. L'aristocratie, les membres de la noblesse, de l'empire du Ghana, ou de Wagadou, étaient issus des Soninkés et Malinkés.
Les commerçants arabo-berbères musulmans venus d'Afrique du Nord et de l'Orient par les voies transsahariennes étaient en contact avec cette noblesse de Wagadou. C'est ainsi que naquit parmi les membres de la noblesse une élite de commerçants, islamisés par les commerçants arabo-berbères. Cette élite servait d'intermédiaire entre les populations africaines et les arabo-berbères, pour le commerce.
Cette élite de commerçants mandingues portait le nom de Dioulas, qui signifie en malinké « commerçants ». Petit à petit cette élite de marchands devint de plus en plus indépendante, car grâce au commerce, ils ont pu s'enrichir de telle façon qu'ils se sont détachés peu à peu de l'aristocratie du Ghana. Devenant puissants économiquement, ils commencèrent à adopter un mode de vie nomade, de riches marchands ambulants. Avec le nomadisme qu'ils ont adopté, ils se répandirent, de l'ouest à l'est, du Sénégal au Niger, et du nord au sud du Sahel africain aux forêts de Côte d'Ivoire.

Étant parmi les premiers musulmans d'Afrique de l'Ouest, ils ont été aussi parmi les premiers propagateurs de cette religion en Afrique, avec les Toucouleurs du royaume du Tekrour, au fleuve Sénégal, et les Malinkés.

Ils établirent plusieurs réseaux commerciaux à travers l'Afrique de l'Ouest, faisant de la langue mandingue la langue véhiculaire.

Les Dioulas établirent leur domination dans plusieurs régions, et ont constitué de puissants États islamiques, tel que le royaume de Kong, au XVe siècle, <dont le fondateur est Bokar Traoré>[réf. souhaitée]. Le royaume Kong était situé aux nord de la Côte d'Ivoire, ce royaume vivait presque exclusivement du commerce. Les Dioulas du royaume Kong étaient des musulmans tolérants vis-à-vis des populations animistes tels que les Sénoufos. <Ils avaient aussi l'empire de Bégho, le royaume dioula du Gondja>[réf. souhaitée] et de Bobo Dioulasso, où régnait la dynastie dioula de patronyme Watara, descendante de Sékou Watara.

Dans le passé, l'islam très tolérant des Dioulas vis-à-vis des ethnies telles que les Sénoufos, les Dans, les Baoulés et divers autres groupes Akans, créèrent des tensions avec les Peuls musulmans qui voulaient pratiquer le djihad chez les animistes des terres dioulas. Les Dioulas protégeaient les animistes, ils durent guerroyer plusieurs fois contre les tentatives de conversions forcées de leurs voisins et coreligionnaires peuls.

Samory Touré, d'origine dioula, établit l'empire du Wassoulou, en Afrique de l'Ouest, il portait le titre d'almamy. C'était un empire musulman, remarquable par son organisation territoriale et sociale. Samory Touré fut un grand résistant contre la colonisation. Le Wassoulou s'étendait sur une partie de la Côte d'Ivoire, du Mali et de la Guinée.

Les Dioulas étant les plus grands commerçants d'Afrique de l'Ouest, ce sont eux qui détenaient la plupart des marchés, ils contrôlaient la vente de produits comme : l'or, le sel, la kola, les armes blanches ainsi que les armes à feu, les divers produits agricoles, des tissus en particulier pour la confection des boubous. Ils contrôlaient également dans certaines parties de l'Afrique, le commerce des esclaves, initié par les Européens et les Arabo-Berbères. Ils étaient les principaux fournisseurs d'esclaves auprès des Maures.

La Côte d'Ivoire, le Burkina et le Mali sont des pays où les Dioulas sont particulièrement implantés. En Côte d'Ivoire, toute personne mandingue pratiquant le commerce est nommée dioula. Les Dioulas ne sont rien d'autre que des commerçants d'origine malinké, soninké ou bambara.
En Afrique de l'Ouest – à part les Dioulas – les Wolofs et les Haoussas sont les principaux grands commerçants

Le Dioula

Le dioula est une langue africaine parlée ou comprise par 20 millions de personnes au Mali, en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, en Guinée, au Ghana.

Les trois langues dioula, bambara et malinké sont très proches dans leur structure et leur vocabulaire, le dioula étant utilisé en Côte d'Ivoire et au Burkina Faso alors que le bambara est plus en usage au Mali dans les régions de Bamako et de Ségou.

À l’instar d’autres langues mandées, le dioula est une langue tonale.
Langue des commerçants, elle s'est, de ce fait, imposée comme langue véhiculaire de toute l'Afrique de l'Ouest.


Comprendre

Pour vous expliquer un peu la répartition des peuples en Afrique de l'ouest, qui ne correspond en rien au découpage géographique qu'en ont fait les Français lors des indépendances, je vous invite à lire un extrait des paroles de la chanson " Plus rien de m'étonne" de Tiken Jah Fakoly, grand chanteur politique de la Côte d'ivoire.  Je vous mets aussi la vidéo, Tiken Jah mérite toujours d'être écouté, il est trop excellent.  C'est d'Ailleurs à force d'écouter ses textes et de poser des questions à mes amis Dioulas que j'ai fini par approfondir ma connaissance de la langue.


Parole de Plus Rien Ne M'étonne:

Ils ont partagé le monde, plus rien ne m'étonne !
Plus rien ne m'étonne !
Plus rien ne m'étonne !
Ils ont partagé Africa, sans nous consulter
Il s'étonnent que nous soyons désunis.
Une partie de l'empire Mandingue
Se trouva chez les Wollofs.
Une partie de l'empire Mossi,
Se trouva dans le Ghana.
Une partie de l'empire Soussou,
Se trouva dans l'empire Mandingue.
Une partie de l'empire Mandingue,
Se trouva chez les Mossi.
Ils ont partagé Africa, sans nous consulter !
Sans nous demander !
Sans nous aviser !
Ils ont partagé le monde, plus rien ne m'étonne !
Plus rien ne m'étonne !
Plus rien ne m'étonne !


Pour Tiken Jah, j'y reviendrai, avec profondeur.  Ce chanteur est trop important pour la compréhension et de la Côte d'ivoire, et du Burkina, et, pour ma part, de ma compréhension du Dioula, pour que nous ne nous attardions pas aux paroles en Dioula de ses chansons.

Je ne ferai pas un coverage de Tiken Jah, il est assez connu pour que vous puissiez avoir accès à bien du matériel sur google.  Mais pour ceux qui le connaisse déja et le chante par coeur, je reviendrai pour décortiquer et que vous compreniez le contexte politique que vous chantez si gaiement.  Ou alors les traductions grossière pour que vous saisissiez le sens des paroles en Dioulas.

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lundi 10 juin 2013

Diabel Cissokho

Issu d'une famille de griots dont la tradition remonte au Moyen Âge, le Sénégalais Diabel Cissokho apprivoise dès sa plus tendre enfance de nombreux instruments. Ses affinités le portent vers la kora dont il devient un spécialiste au sein du groupe familial Bannaya. Avec Bannaya, Diabel Cissokho commence à se produire à l'étranger et finit par s'établir à Londres pour initier sa propre carrière. Là il devient le joueur de kora attitré de Baaba Maal. Diabel Cissokho collabore également avec d'autres artistes africains comme Daby Baldé ou Kandia Kouyaté.

Diabel Cissokho se produit également avec Femi Kuti, Manu Dibango, et Cheikh Lô lors d'un concert au Barbican Centre de Londres. Diabel Cissokho rencontre ensuite le guitariste et producteur de blues Ramon Goose, connu pour avoir joué avec Eric Bibb ou Eric Burdon. Ensemble, ils développent le projet Mansana Blues qui mêle musique d'Afrique de l'Ouest et blues. Virtuose reconnu de son instrument, Diabel Cissokho décide ensuite de présenter sur un enregistrement l'ensemble des musiques qui pulsent au Sénégal. Kanabory Siyama sort en septembre 2012 et offre un panorama qui va de la musique mandingue à l'afrobeat, sans oublier des escapades vers le blues du désert. Comme d'habitude, la musique aide à souligner les ressemblances entre les cultures plutôt que leurs divergences.


Ma chanson préférée sur cet album:



Vidéoclip:
 


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