samedi 23 août 2014

Un vide

Je l'ai senti toute la journée.  J'ai tourné en rond, essayé de l'éviter.  C'est pas comme si je ne m'y étais pas habitué.  Mais ca lachait pas.  Une douleur sourde.  Une absence.  Un besoin.  Salimata.  Encore.  Malgré la distance, malgré le temps qui passe.

Aujourd'hui Sali, j'avais une de mes mauvaises journées.  Toi qui me connais, tu l'aurais vu tout de suite.  Une de ses journées où je cherche un sens, où je me cherche, où je m'ennuie.  Pas d'enfants, pas de bruit, pas de vie.  J'ai appelé des copains, suis allée prendre un café avec l'un d'entre eux.  J'ai lu.  Mais je me sentais vide.  Aujourd'hui Sali, j'avais besoin de ton rire.  J'avais besoin de ta malice.  J'avais besoin qu'on se fasse un thé à la menthe pis qu'on le boive entre filles, sur la terrasse, en discutant du prix des oignons qui a encore monté, d'Abrahim qui veut pas apprendre le dioula, ou mieux, qu'on se taise et qu'on profite de la fraicheur du soleil qui se couche.

J'aurais aimé ça te parler de mon fils, qui s'est fait refuser son visa pour une deuxième fois, et que je n'ai pas vu depuis un an.  Tu m'aurais donné du courage.  Tu m'en donnais tout le temps. J'aurais aimé ça que tu vois à quel point Manu s'intègre bien dans son nouveau quartier.  Tu serais tellement fière d'elle Sali.  Elle a grandit Manu.  Mais je te jure qu'elle t'oublie pas.  Elle me parle souvent de toi avant d'aller se coucher.  Elle comprend pas.  Elle s'ennuie elle aussi.


T'es partie il y a 3 ans et demi maintenant.  Le 26 mars 2010. Hier.  Mais t'es pas partie en douce.  Tu m'as attendue.  Tu voulais que je sois là.  Dans mes bras, mes jambes de chaque coté de toi.  Je voulais pas te laisser aller.  Tu étais en paix.  Pas moi.  J'ai jamais accepté de perdre ce combat là.  Je pouvais même pas envisager de perdre.  Aujourd'hui encore, il m'arrive d'avoir de la difficulté à m'endormir en repensant aux médicaments que je t'ai prescrits.  Si j'avais diminué la prednisone plus lentement...  Si on avait arrêté les ARV le temps que ta toxoplasmose se passe...  Si on avait pas commencé le diflucan en plus, question de préserver ton foie...  Si...  Si je t'avais plus montré à quel point je t'aime, même quand j'étais épuisée, même quand j'étais enragée. Comme si à force de chercher, je trouverais là où j'aurais pu, du, te rattraper.  Ca m'arrive de moins en moins, presque plus en fait.  Mais des fois il faut que je me parle pour ne pas reprendre ce chemin là.  Mais il y a une chose que je sais, c'est que tu savais à quel point tu étais importante pour moi.  Ça m'appaise, je me le répète.  Sali savait comment je l'aimais.  Et je sais aussi à quel point elle m'aimait.

T'es partie avec une part de moi ma belle.  La plus tendre.  La plus disponible.  Des fois, je me reconnais plus quand je suis avec mes patients autochtones.  Un mur.  Intouchable.  C'est probablement mieux comme ça.  Je sais pas.  De toute façon, je pourrais pas faire autrement.  Il n'y a pas de retour en arrière.

Il n'y a pas de retour en arrière Sali...  C'est tout simple, et effroyable à la fois...

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Bonne lecture!